Le Noël des violoncellistes
Catherine Perrin, La Presse
À Noël, on demandait toujours au petit Stéphane de jouer pour la famille et la visite. « J’aimais jouer, ce n’était jamais une punition. Mais à Noël, j’avais hâte de passer aux cadeaux ! ».
Stéphane Tétreault avait 11 ans, était un enfant réservé, le teint blanc et les cheveux noirs à la Wednesday Addams, quand Yuli Turovsky, son professeur de violoncelle, nous l’a emmené comme soliste. Depuis quelques années je jouais avec I Musici, l’orchestre fondé par M. Turovsky ; les grands solistes y défilaient, mais peu de jeunes prodiges. Ce jour-là, on a vite compris que cet enfant irait loin.
Il fréquentait l’école FACE et chaque année, avec l’orchestre de son école, il jouait le concerto de Noël de Corelli, qui le faisait vibrer.
Quelques années plus tard, Jacqueline Desmarais a acheté pour lui un exceptionnel violoncelle Stradivarius que la famille lui prête toujours depuis la disparition de la grande mécène.
L’instrument est presque devenu une extension du corps de Stéphane, qui le quitte des yeux seulement quand il repose dans son coffre-fort.
Pour lancer ce Noël des violoncellistes, je voulais prendre des nouvelles de l’ex-enfant prodige, toujours aussi doué, mais qui n’a plus rien de timide.
Stéphane a maintenant 30 ans. Il joue partout au Canada, où les réinvitations en disent long, mais il irait volontiers plus souvent à l’étranger.
Je suis toujours heureux quand je pars en tournée ! C’est compliqué avec le violoncelle, mais j’aime les aéroports, la route, la découverte ; je ne m’ennuie jamais. – Stéphane Tétreault
Au Canada, il gère lui-même sa carrière. Rencontres, courriels, téléphones, budgets, demandes de subvention : encore là, rien ne l’ennuie.
« Honnêtement, j’aime tout ça, il n’y a rien dont je voudrais me débarrasser. Mais pour l’international ça prend une expertise et des contacts différents. »
Entre-temps, il vient d’enregistrer un deuxième disque consacré à Debussy, a donné un premier séminaire à l’Université de Montréal, et les projets se multiplient, entre autres avec Anémone 47, la compagnie de sa bonne amie harpiste Valérie Milot. Leur spectacle Transfiguration, après une vingtaine de représentations au Québec, sera à l’affiche de l’évènement contact Chamber Music America, à la mi-janvier, ce qui devrait leur ouvrir un nouveau marché. Je demande à Stéphane comment voyage cette magnifique scénographie, avec décor et projections.
« Dans un simple camion cube, ce n’est pas un show de Madonna ! On est six en tout. Ça reste léger et on peut profiter de chaque arrêt pour ajouter des activités à valeur sociale, par exemple des concerts en collaboration avec la SAMS (en milieu de santé) ou en milieu scolaire. »
Depuis quelques années, Stéphane Tétreault range son violoncelle pour le temps des Fêtes, mais cette année, il s’est régalé en jouant un arrangement de sa chanson de Noël préférée devant des aînés radieux et reconnaissants.
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