Stéphane Tétreault: voyager avec un violoncelle
Alain de Repentigny, La Presse
Plusieurs talents ont surgi cette année. L’équipe des Arts vous présente neuf de ces nouveaux visages d’ici le 30 décembre. Aujourd’hui : le jeune violoncelliste Stéphane Tétreault. On ne compte plus les concours qu’a remportés ce musicien au talent précoce salué unanimement par la critique. Rien que cette année, il a participé au prestigieux Concours international Tchaïkovski en Russie et il a joué en Chine. À 18 ans, tous les espoirs lui sont permis.
Stéphane Tétreault remercie encore l’enseignante qui l’a persuadé de jouer du violoncelle quand il avait 7 ans. Comme tous les élèves de l’école FACE, Stéphane jouait du xylophone et de la flûte à bec quand sa prof de musique a insisté auprès de sa maman pour qu’il adopte un instrument à cordes. « Tout le monde commençait à jouer d’un instrument en quatrième année et je n’étais qu’en deuxième, mais la prof a vu quelque chose », raconte le musicien de Villeray après une séance photo à La Presse. Il ajoute : « Moi, je ne m’en souviens pas, mais il paraît que j’ai entendu une fausse note quand on jouait de la flûte à bec en groupe. Comme j’étais timide et que je ne voulais pas le dire devant toute la classe, je suis allé trouver la prof : elle n’avait pas entendu la fausse note. »
Stéphane aurait préféré jouer du violon, mais comme l’orchestre de l’école comptait déjà une vingtaine d’aspirants violonistes et seulement deux violoncellistes, l’enseignante a entrepris de le convaincre. «Elle m’a dit qu’avec un violoncelle, je pourrais m’asseoir, je n’aurais pas à me casser le poignet et je pourrais caresser l’instrument. Comme je n’étais pas encore convaincu, elle a ajouté: «Si tu prends le violoncelle, je vais t’acheter un cadeau.» Finalement, je n’ai jamais touché au violon.»
Son père, qui a joué de la basse électrique dans des groupes rock, a trouvé lui aussi un truc pour motiver son musicien de fils. «Quand après 20 ou 30 minutes, ça ne me tentait plus de pratiquer, il prenait sa guitare acoustique et on jouait ensemble. Il me disait: «Pratique pendant un autre 15 minutes et je vais te donner deux piastres.» Mes parents ont toujours été bons pour me motiver sans me forcer…»
À 9 ans, Stéphane a commencé à étudier le violoncelle avec Yuli Turovsky, le fondateur de l’ensemble I Musici. Le maître n’enseignait pas aux enfants, mais Stéphane l’a convaincu et ils font encore équipe à ce jour.
Rapidement, le jeune violoncelliste a su qu’il voulait être soliste et il s’est mis à participer à tous les concours: «C’est très bon pour la visibilité et j’aime beaucoup la compétition.» À 14 ans, il a remporté la première place au Concours de l’OSM chez les moins de 17 ans puis, progressivement, il s’est mis à fréquenter les concours internationaux: le Stulberg au Michigan, Genève, Washington, le Rostropovitch à Paris puis, cette année, le prestigieux Concours international Tchaïkovski, à Moscou, où il n’a pas accédé au second tour.
«Il y a beaucoup de politique dans les grands concours: à Moscou, 21 des participants étaient ou avaient été des élèves des membres du jury, dit-il sans la moindre trace d’amertume. Les concours servent de dates butoirs. Ils exigent une très longue préparation dans tous les genres (concertos, sonates, musique de chambre) et donc, forcément, on hausse notre niveau.»
À titre de Révélation Radio-Canada 2011-2012 en musique classique, Stéphane a eu droit en septembre dernier à une master classavec le violoncelliste français Gautier Capuçon, organisée par l’animatrice Françoise Davoine. Les artistes qu’il admire le plus ne sont pas pour autant des violoncellistes: la chanteuse Cecilia Bartoli et la violoniste Janine Jansen, une musicienne qui, comme lui, bouge beaucoup et fait corps avec son instrument. «Je rêve de la rencontrer et de jouer avec elle un jour.»
Depuis deux ans, Stéphane s’intéresse aussi au rock et il achète en ligne des disques des groupes Sex Pistols, Nirvana et Queen. «J’ai fait pour ARTV un clip magnifique dans un entrepôt où je jouais le premier Prélude de Bach pendant qu’on entendait des bruits de construction. J’aime vraiment beaucoup ce «clash» entre deux mondes. J’ai une cinquantaine de vidéoclips sur YouTube et des jeunes m’écrivent pour me dire qu’ils écoutent Zeppelin ou Lady Gaga mais qu’ils trouvent mes clips cool.»
Certains, dont le collègue Claude Gingras, estiment que son violoncelle n’est pas à la hauteur de son immense talent. Stéphane rigole. Il aime cet instrument britannique vieux de 250 ans au parcours improbable, qu’il raconte sur la presse.ca. «On se connaît pas mal. Ce n’est pas vraiment un violoncelle avec lequel je ferais le tour du monde comme soliste, mais c’est un très bon violoncelle étudiant.»
En 2012, Stéphane terminera la deuxième année de son bac en interprétation à l’Université de Montréal. On le verra à l’Outremont en février, il fera une tournée avec l’Orchestre Métropolitain qui le mènera à la Maison symphonique en avril puis se produira avec le Nouvel Ensemble Moderne à la salle Bourgie du Musée des beaux-arts. En mai, il ira jouer avec l’Orchestre philharmonique de Malaisie à Kuala Lumpur.
«Mon rêve, c’est de faire une carrière internationale, dit-il dans un large sourire. C’est toujours un immense plaisir de voyager avec mon violoncelle.»
Styliste Ariane Simard, assistant styliste
Jason Noël, assistant à la production
Stéphan Doe, vêtements fournis par les magasins Simons.
À lire sur La Presse