14 juin 2019
Critiques

ROUSSEL et OFFENBACH : les éclairs introspectifs de Stéphane Tétreault

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Alexandre Pham, classiquenews.com

Les Larmes de Jacqueline –  Orchestre Métropolitain – Alain Trudel, direction

Plus ambivalent et difficile dans une première écoute, le Concertino d’Albert Roussel est une oeuvre à la fois âpre (proche de Chostakovitch) et d’une délicatesse d’articulation néo « baroque » qui se souvient aussi de … Tchaikovsky (Variations rococo pour violoncelle, 1877). L’Opus 57 de Roussel ainsi légitimement fêté pour son anniversaire 2019, est créé en 1937 et semble faire écho aux tensions politiques et sociétales de l’époque : il est parcouru par une urgence qui presse et emporte dans un tempo parfois précipité et panique. Tout aussi mis en avant, l’orchestre n’accompagne pas : il commente, s’essouffle, transpire, scintille en une exacerbation poétique… ravélienne. C’est dire les défis pour les instrumentistes et le chef.

Au devant de la scène, inspiré, funambule,Stéphane Tétreault plonge dans les tréfonds obscurs de la partition, en fait resurgir des accents déchirants, en plénitude intime, en blessures ourlées avec un tact, des respirations qui témoignent d’une somptueuse maturité musicale. On comprend pourquoi pour ses visuels 2019, Classica ait choisi d’afficher Stéphane Tétreault tel “un artiste de génie” : de toute évidence, les festivaliers de CLASSICA ont pu depuis ses débuts il y a 9 années déjà, suivre l’évolution et la maturation artistique du violoncelliste. Une émergence et une confirmation qu’il a été ainsi passionnant de mesurer et de comprendre. L’artiste se révèle de concert en concert par cette pudeur intense qui éblouit dans la sonorité à la fois chantante et allusive de son violoncelle si singulier (Stradivarius « Comtesse de Stainlein, ex-Paganini”, 1707). Après l’Allegro moderato fougueux mais intérieur, saisi par une urgence fauve, l’Adagio déploie des pépites autrement plus troublantes, lunaires mais inquiètes voire tendues… la virtuosité du soliste en servant surtout la sincérité du geste, éclaire la profondeur de la partition.

Une même gravité pudique affirme enfin cette introspection crépusculaire qui définit aussi l’art d’Offenbach : en jouant après Roussel, Les larmes de Jacqueline (transposition pour violoncelle d’un air précédent, probablement l’harmonie des bois), l’opus 76/2 retrouve l’intensité élégantissime qui avait fait la réussite de son récital précédent à CLASSICA 2019, autre grand moment d’accomplissement musical.

On reste saisi par l’incandescence du geste, sa sobriété continue, l’absence de tout artifice. C’est un écho à l’Adagio si âpre de Roussel : Offenbach y semble au sommet de la déploration pathétique, mais ici sublimée par le renoncement maîtrisé, la douleur acceptée.

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